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Témoignage | Jessy
Je suis membre de la coopérative Smart France et grâce à elle, je peux travailler sur les différents projets artistiques qui me permettent de VIVRE. Pole Emploi profite du climat d’insécurité globale pour balayer les artistes indépendants. La crise économique frappe à la porte de tous et ils espèrent que la « question intermittente » y passe. C’est une exception mondiale, un privilège, une chance avez-vous entendu dire? Mais aussi une contrainte sans nom, une précarité rare, une discrimination sociale récurrente, une aberration administrative face à la réalité du terrain.
La France et son besoin de « cloisonner » ne me permet pas aujourd’hui de cumuler simplement mon métier de soprano, d’artiste chanteuse (oui attention c’est différent pour eux), de directeur artistique, de comédienne voix-off, de prof de chant (car quand tu es artiste, il n’envisage pas que tu puisses aimer transmettre ton art et que tu sois formée pour). Je ne suis pas une exception et je vais même avancer que chaque « entrepreneur » exploite plusieurs secteurs d’activités pour assurer sa pérennité, c’est quand même pas une révolution de modèle économique. Je ne suis pas intermittente car n’ai pas encore « fait » suffisamment d’heures. Ainsi, je ne bénéficie pas encore d’indemnités les jours non travaillés et si je le précise c’est parce que ce n’est pas seulement « le droit à l’intermittence » qui est en danger mais bien le droit de travailler des artistes indépendants.
Une grande part de mon activité consiste à chanter durant des cérémonies d’obsèques. C’est une activité qui est riche en émotion et qui apporte énormément de soutien à ce public. Quel public ? Des gens très affectés, des gens qui sont selon la loi « fragiles » car en détresse psychologique profonde et dont la charge mentale est incommensurable. Dans ce contexte, Pole Emploi ne m’oriente que sur le GUSO, un organisme qui demanderait à « mes employeurs/clients » de faire une inscription sur le site en tant qu’employeur, une pré-embauche, un contrat d’embauche, me faire signer les documents le jour des obsèques, me donner une attestation d’employeur, me donner un chèque. Je ne travaille pas ainsi! La dignité n’est pas en contradiction avec un modèle économique viable.
Avec Smart, je prends le temps du dialogue avec la famille, toutes les signatures de devis et contrats se font en amont, au calme. Le jour-J, je ne leur donne ni facture ni ne réclame rien. Je les accompagne, c’est tout. Après la prestation, une facture leur est envoyée. Smart me permet d’être rémunérée grâce à ce fond commun mutualisé : je n’ai pas à courir après mon dû ni à envisager de passer au prud’homme pour… 200€ ? Si je raconte cela c’est que la réalité du terrain est là : ce public me demande une facture ou me propose une enveloppe. Je suis fière de pouvoir faire respecter mon statut d’artiste et de ne pas avoir à accepter les enveloppes mais sans Smart, impossible de vivre légalement de cette activité.
Smart est une coopérative artistique dans laquelle je me retrouve d’un point de vue éthique, créatif, administratif et financier. On a mutualisé les contraintes et on respire enfin… Toutes mes activités sont déclarées, je suis protégée.
Mais non, Pôle emploi n’est pas content. Artistes qu’êtes-vous donc?? Des employés ou des entrepreneurs? J’ai déjà été l’une puis l’autre… Mais aujourd’hui j’ai opté pour la coopérative, j’ai opté pour ma liberté d’entreprendre et celle de cotiser… Mes métiers relèvent en partie des métiers de l’intermittence selon le code du travail MAIS la réalité c’est que nous produisons des spectacles, des prestations. Il y a une frontière difficile à comprendre.. Je n’ai pas le droit de faire une auto-entreprise de chanteuse et d’être chanteuse employée… Le serpent se mord la queue.